Lorsque la bouteille quitte la glace (dégorgement par congélation du col), elle devient provisoirement orpheline de son dosage. C’est là, dans ce bref entre-deux, que tout se décide. Chez André Tixier, le geste est confié à la main experte du chef de cave. Par petites séries, jamais dans la précipitation, la quantité de liqueur est ajustée avec une seringue calibrée, car la précision compte : le moindre demi-gramme peut changer la perception finale.
L’élaboration de la liqueur elle-même relève d’un art subtil, et le sucre utilisé est choisi pour sa neutralité parfaite : la plupart des maisons champenoises, dont André Tixier, privilégient le sucre de canne blanc, raffiné, dissout à chaud dans le vin afin d’éviter toute cristallisation indésirable ou saveur parasite.
L’âge de la base utilisée pour le dosage varie selon la cuvée :
- Cuvées récentes : dosage avec vin de réserve de 1 à 3 ans.
- Cuvées spéciales : ajout d’un vin vieux, parfois élevé sous bois, pour amplifier l’ampleur aromatique.
Pour chaque lot, des essais sont réalisés plusieurs mois plus tôt, à l’aveugle, sur des bouteilles issues du même tirage, via différents dosages, parfois à 0,5 gramme près. Le choix du dosage est figé après dégustation en équipe, suivant la règle d’or : le dosage doit "servir le vin, non le masquer".
Un fait marquant : ces décisions sont ajustées d’un millésime à l’autre, selon la maturité naturelle des raisins ou leur niveau d’acidité. Ainsi le dosage pour la même cuvée fluctue parfois de 1 à 2 grammes par litre d’une année à l’autre, le tout étant consigné avec précision dans les carnets de cave.
(Source : entretiens avec responsables de caves et sommeliers, Revue du Vin de France, mai 2021.)