Comprendre ce que signifie “bien presser” le raisin en Champagne


  • Le pressurage constitue une singularité presque sacrée dans l’élaboration d’un champagne. Si, ailleurs dans le monde viticole, on presse parfois fort, vite, voire à chaud, en Champagne, le mot d’ordre est douceur et séparation méthodique des jus. Cette exigence a été gravée dans le temps par une réglementation stricte : pour obtenir 102 litres de moût clair (le futur vin), il faut partir de 160 kg de raisins (source : Champagne.fr).

    • Ce volume correspond à la “marc” de Champagne, référence de base pour toutes les maisons.
    • Le respect de ce ratio garantit une qualité constante et préserve le style propre à chaque vigneron.


L’outil du métier : le pressoir traditionnel champenois


  • Chez André Tixier, la fidélité à l’histoire du terroir s’exprime dès la porte du vieux pressoir. Ce n’est pas un outil anodin : le traditionnel pressoir coquard, imaginé il y a plus d’un siècle, fait toujours son office. Avec sa cuve plate et ses plateaux en bois ou en acier inoxydable, il permet une répartition homogène de la pression et un égouttage naturel du jus. Aujourd’hui, il existe aussi des pressoirs pneumatiques ou hydrauliques, moins spectaculaires mais parfois plus précis dans la gestion des pressions.

    • Un pressoir “coquard” de 4 000 kg (format standard) permet d’isoler chaque marc, donnant une lecture précise des parcelles et des cépages.
    • Le pressurage dure entre 3 et 4 heures, et s’étale parfois plus afin de préserver la finesse des jus.
    • L’automatisation a apporté fiabilité et sécurité, mais c’est toujours la main et l’œil du “chef de cave” qui décident du rythme.


Du raisin à la goutte : la chronologie minutieuse d’un pressurage chez André Tixier


  • Dès l’aube de la vendange, les caisses de raisin, venues à peine à maturité, sont soulevées à la main pour être déposées dans le pressoir, par petites quantités. Rien n’est laissé au hasard : la vendange est manuelle (obligation de l’Appellation), ce qui évite les baies abîmées et limite l’oxydation.

    1. Remplissage du pressoir : toujours par cagettes de 40 à 50 kg, afin de préserver l’intégrité des baies.
    2. Pressurage séquentiel : la pression augmente par paliers, jamais d’un coup. On recherche d’abord le jus le plus pur, la fameuse “cuvée”, puis la “taille” (seconde fraction).
    3. Séparation des jus :
      • La cuvée : ce sont les premiers 20,5 hL extraits, réputés pour leur finesse et leur richesse en acide tartrique.
      • La taille : la fraction suivante (5 hL), plus riche en minéraux et composés phénoliques.
    4. Débourbage : le jus est aussitôt transféré vers une cuve de décantation afin de séparer les bourbes (particules solides). Cela dure entre 12 et 24 heures dans le calme de la cave.

    Cette “chronique du jus” détermine déjà le futur style d’un champagne. La cuvée pour la fraîcheur, la taille pour la structure : chaque maison décide d’utiliser l’une, l’autre, ou un savant mélange.


La main de l’homme, la patte de la maison


  • Le pressurage n’a rien d’un automatisme chez André Tixier. Avant de toucher aux boutons du pressoir, il s’agit de contempler les grappes, d’évaluer leur maturité, leur tenue, leur parfum. Chaque lot est pressé séparément afin de respecter le caractère du terroir de Chigny-les-Roses, classé Premier Cru sur la Montagne de Reims. Le résultat diffère selon le cépage :

    • Pinot Meunier : fragile, il donne un jus souple, fruité, peu chargé en tanins.
    • Pinot Noir : robuste, coloré, à surveiller comme du lait sur le feu pour éviter l’extraction de couleur et de notes végétales.
    • Chardonnay : lumineux, sa chair délicate impose d’autant plus de douceur au pressoir, pour isoler ses arômes d’agrumes et de fleurs blanches.

    Les variations de température, la maturité de la peau, voire la météo des semaines précédentes influencent la façon de presser. Là réside toute la beauté du métier : savoir, chaque année, adapter la main à la vendange.


Le pressurage, entre tradition empirique et technologie de pointe


  • Le pressoir n’a pas seulement changé de matériaux, il s’est aussi entouré, chez André Tixier, d’outils de mesure modernes : sondes de température, capteurs d’oxygène, analyses régulières du pH et du potentiel d’oxydation. Si l’âme du geste reste, la technologie est venue permettre une meilleure lecture du jus dès la sortie du pressoir.

    • La limitation des sulfites dès le pressurage est un choix qualitatif fort pour préserver la pureté du fruit.
    • Les tests de turbidité (mesure de la clarté du jus) permettent d’intervenir rapidement pour éviter les déviations aromatiques.
    • La gravité est privilégiée pour l’écoulement du jus, limitant le contact à l’air et donc les risques d’oxydation précoce.

    Mais ce sont les histoires racontées par les plus anciens du village qui révèlent parfois les secrets du pressurage. Certains évoquent l’odeur particulière du pressoir en fin de journée, quand l’air se charge de vapeur de raisin — un parfum qui, dit-on, annonce la qualité du millésime à venir.


Petits détails, grandes différences : pourquoi le pressurage fait la signature d’André Tixier


  • On dit que tous les champagnes naissent au pressoir, et c’est vrai : c’est ici que s’écrit la partition des cuvées. André Tixier veille jalousement sur chaque lot, chaque gramme. Utiliser séparément les jus de cuvée et de taille, ou les assembler à proportion variable, façonne la maison comme un parfumeur compose son essence.

    • Sur 160 kg de raisins, seuls 102 litres finiront dans le cuvier.
    • Le reste servira à d’autres usages viticoles ou sera valorisé en distillation.
    • Chaque cuvée fait l’objet d’un carnet de dégustation, rédigé dès la sortie du pressoir, pointant la couleur, le nez et la tension du jus.

    Ce soin du détail transparaît dans la fraîcheur du Brut Réserve ou la tension éclatante d’un blanc de blancs. Nulle part ailleurs, les nuances du terroir ne sont aussi évidentes qu’au sortir du pressoir : lorsqu’un vin conserve la mémoire de la façon dont il a été pressé, il offre une lecture unique de sa maison.


Pressurage et terroir : ce que disent les fines bulles de Chigny-les-Roses


  • Presser le raisin, ce n’est pas seulement en extraire le jus : c’est recueillir en filigrane le bruit du vent dans les feuilles cet été-là, la patience d’une taille d’hiver ou la rosée lourde d’un mois de septembre. À Chigny-les-Roses, la craie affleure sous les vignes et donne aux jus une note singulière, iodée, que le pressoir vient révéler sans la brusquer.

    Le respect du fruit, la séparation des jus, la lenteur du geste, sont la garantie (presque invisible) d’un vin qui raconte son origine. Rien n’est laissé au hasard : la saison, la parcelle, le climat, tout finit au secret d’une goutte. Chez André Tixier, le pressoir n’est donc pas qu’un outil, il est le premier écrivain du champagne – et le patient confesseur de la nature.


Le pressurage, promesse des vendanges futures


  • Quand on lève une flûte de champagne André Tixier, on devine rarement la lenteur et la précision du pressurage derrière les bulles. La science y rencontre la patience, la technologie côtoie le geste, et la tradition dialogue discrètement avec l’audace. Le pressurage est la première, et sans doute la plus décisive, des promesses du terroir de Chigny-les-Roses.

    Références : Champagne.fr, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, témoignages de vignerons, visite sur site André Tixier.

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